Souvent sous-estimées, les règles abondantes touchent pourtant un grand nombre de patientes. Afin de faciliter leur identification et d’améliorer la prise en charge, un nouvel outil a été mis au point en collaboration avec Mélanie ALEJOS ALONSO, Hemogyn et Fabienne De Broeck.
Dans cette interview, Mélanie ALEJOS ALONSO revient sur les raisons de cette initiative, son impact pour les praticiens et l’importance d’une prise en charge rapide pour la patiente.
Quels impacts peuvent avoir les règles abondantes sur la santé physique et mentale des patientes?
Les SMA affectent la qualité de vie des patientes car ils impactent tous les pans de la vie des femmes atteintes :
- On appréhende bien facilement les impacts physiques comme l’anémie par carence en fer et l’asthénie (fatigue générale) secondaire.
- On envisage déjà moins aisément les impacts psychologiques tels que le stress lié aux saignements, la charge mentale compte tenu de la logistique des changes, la perte de confiance en soi jusqu’à un vrai syndrome dépressif.
- Il en découle également un impact social et de style de vie avec parfois un repli sur soi mais aussi une possible dégradation du sommeil.
- Enfin, il existe un évident retentissement professionnel et financier du fait de l’absentéisme scolaire et professionnel, de l’impact sur la productivité au travail mais aussi du coût financier important pouvant amener les femmes dans une situation de précarité menstruelle.
=> Les saignements menstruels abondants sont donc un sujet sociétal majeur du fait de leur impact médico-socio-économique important.
Existe-t-il aujourd’hui des initiatives ou des recommandations pour améliorer la prise en charge des règles abondantes ?
- Effectivement, en 2022, deux sociétés savantes françaises ont émis des recommandations à destination des professionnels de santé dans la prise en charge des saignements menstruels abondants (le CNGOF et le Centre de Référence des Pathologies Gynécologiques Rares).
- Par ailleurs, il existe des initiatives plus individuelles comme l’hôpital de jour dédié aux femmes souffrant de règles abondantes créé par le Dr Lucia Rugeri, spécialiste des troubles de la coagulation, aux Hospices Civils et à l’Hôpital Mère-Enfant à Lyon.
Par la suite le Dr Rugeri a développé une plateforme en ligne, Hemogyn, qui recense tous les professionnels pouvant prendre en charge les femmes atteintes de cette pathologie en France et qui promeut l’information et la formation des professionnels de santé. - Enfin, en collaboration avec Mme Fabienne De Broeck d’Optimind, spécialiste en Mind Mapping et le Dr Lucia Rugeri, fondatrice du réseau HEMOGYN, et grâce au soutien du laboratoire CEMAG CARE, j’ai élaboré une carte mentale pour guider les professionnels dans le parcours de soins et améliorer la gestion des patientes souffrant de ménorragies qui est disponible en ligne depuis mars 2025 sur les sites de CEMAG CARE et de HEMOGYN.
Quels constats ou lacunes vous ont conduit à penser qu’un outil tel que la Carte mentale était nécessaire ?
Au travers de mon activité au cabinet, puis de celle de consultante auprès de CEMAG CARE, j’ai pris conscience des lacunes encore importantes autour de la santé des femmes.
Aujourd’hui en 2025, les règles restent un tabou. L’éducation occidentale véhicule encore de nombreux messages qui amènent les femmes à minimiser leurs symptômes concernant leurs menstruations et des études récentes évaluent à 2,9 ans le délai entre les premiers cycles hémorragiques et la première demande d’aide médicale par les patientes.
De plus, la connaissance et la prise en compte des pathologies menstruelles par les professionnels de santé restent inconstantes et incohérentes, ce qui fait que les femmes doivent encore attendre 2,2 ans en moyenne entre la 1ère consultation et le diagnostic de saignements menstruels abondants, soit 5 années d’errance médicale en tout ! On constate aussi que seulement 1 femme sur 3 qui consulte pour des règles trop abondantes bénéficie d’un traitement.
Malgré les mises à jour récentes et les initiatives déjà existantes, le Dr Rugeri a pu constater auprès des patientes venant dans leurs hôpitaux de jour, que les traitements de premiers recours tels que l’acide tranexamique n’étaient instaurés que chez 30 % des femmes.
Enfin, les demandes de consultations étant toujours plus nombreuses et les délais d’attente de rendez-vous plus longs, le temps médical est précieux.
Avec l’équipe CEMAG Care, nous avons donc rêvé d’une solution qui simplifierait les consultations de premier recours en santé de la femme, en proposant une vue d’ensemble du parcours de soin pour les pathologies fréquentes de nos patientes. Puis nous avons rencontré Fabienne De Broeck au congrès Genesis en septembre 2024 et le projet était lancé ! Nous avons commencé par traiter les Saignements Menstruels Abondants (SMA), mais l’équipe CEMAG et moi-même espérons développer d’autres outils selon les besoins des professionnels et des patientes.
Qu’est-ce que le format de la carte mentale apporte à votre avis ?
Le format Carte mentale est une fiche synthétique permettant de voir en un coup d’œil le parcours de soin global de la patiente présentant des saignements menstruels abondants : de l’évaluation initiale à la prise en charge des patientes en passant par le bilan et les étiologies.
C’est un outil qui permet de structurer la réflexion médicale et d’améliorer la gestion des patientes.
Il réunit tous les outils nécessaires au professionnel pour simplifier sa consultation :
- un interrogatoire menstruel qui se veut exhaustif et qui peut être proposé en amont de la consultation à toutes les patientes venant au cabinet pour une consultation de gynécologie afin de préparer la consultation,
- une ordonnance type pour le bilan exhaustif à prescrire,
- un algorithme de décision thérapeutique,
- un lien vers le score de Higham, qui aide à la qualification de l’abondance des menstruations.
- un lien vers l’évaluation du retentissement sur la qualité de vie,
- le lien vers les différentes thérapeutiques disponibles.
Nous espérons que la diffusion d’un tel outil permettra d’accompagner les professionnels dans leur connaissance et la prise en charge des ménorragies et ainsi de limiter le temps d’errance des patientes.