Comment gérer ses ménorragies au travail ?

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Les ménorragies sont des règles (menstruations) abondantes et prolongées. Pour certaines femmes, concilier une vie de travail et des règles abondantes devient alors un vrai cauchemar. Deux femmes concernées ont accepté de témoigner pour nous donner quelques conseils.

Les ménorragies affectent 20 à 30 % des femmes dans leur période de fertilité1.  Celles-ci se caractérisent par un flux menstruel très abondant (plus de 80 mL) et/ou long (plus de 7 jours). Des règles handicapantes qui peuvent rapidement avoir un impact sur la vie au travail. Si le congé menstruel est toujours au stade de débat en France, les femmes qui subissent ces gros saignements ont trouvé quelques techniques pour continuer à travailler, presque comme si de rien n’était. Elles racontent.

Ménorragies et travail : la difficile conciliation

Laudine, 37 ans, est assistante qualité dans le milieu pharmaceutique. « J’ai eu mes règles assez tard, vers 16 ans, dès le début, je saignais beaucoup. Quand on est jeune, on se fait une raison pour tout. On supporte mieux ce genre de problèmes chroniques. C’est difficile d’en parler aux docteurs ou aux gynécologues car, conventionnellement, une femme ne doit pas saigner beaucoup et ne doit pas avoir mal pendant ses règles. Je n’ai jamais vraiment dit que j’avais des saignements mais, à mes 20 ans, lors d’analyses sanguines, les médecins se sont rendu compte que je faisais de l’anémie et que j’avais de grosses carences en fer. » Les professionnels de santé se questionnent alors sur l’origine de cette anomalie, c’est à ce moment-là que Laudine explique ses gros saignements mensuels. « J’ai expliqué que ma mère avait le même problème, mais on m’a déjà répondu que ce n’était pas possible et que la carence devait venir d’autre part. Avec les médecins que j’ai rencontrés, je n’ai jamais eu de vrais diagnostics. »

Sans réel diagnostic posé, et sans grande aide médicale, Laudine a dû s’adapter, spécialement dans le monde du travail. « C’est gênant dans la vie professionnelle. Lorsque l’on a ses règles, et que l’on saigne beaucoup, on doit souvent aller aux toilettes. De plus, je fais beaucoup de travail temporaire, je n’ai pas vraiment le temps de connaître mes collègues pour leur expliquer. J’ai travaillé deux ans au même endroit, lorsque l’on connaît les gens et que l’on a des collègues qui, potentiellement, vivent la même chose, ce n’est pas du tout pareil. Il y a un soutien et une compréhension qui s’installent, c’est plus simple. Travailler près de chez soi aide beaucoup également. Mais dans notre société actuelle, on est soumis à de longs déplacements, c’est particulièrement usant, voire handicapant. On s’arme alors de bonnes protections : un tampon et une serviette, à changer en arrivant. »

Aborder les ménorragies dans un monde professionnel n’est pas toujours évident. « C’est encore difficile, c’est un sujet qui reste tabou. Une fois que l’on connaît ses collègues, c’est un peu plus simple. Quand je travaille, j’essaye de faire en sorte que cela n’empiète pas sur mon quotidien. Mais à la fin de mes missions, je suis sur les genoux. C’est un frein pour trouver un travail plus stable, je prends en compte la distance, les horaires, etc. Les ménorragies ont un impact psychologique et physique. Elles entraînent énormément de fatigue et beaucoup de nervosité. On se sent lessivées. » Si elle devait donner un conseil, ce serait le suivant : « Le plus important est de trouver un environnement dans lequel on est à l’aise avec des collègues qui sont ouverts à la discussion et qui peuvent comprendre. Il faut oser lever les tabous . »

Pour Louise, 25 ans, en alternance à Paris, l’histoire est un peu différente. « Les ménorragies me bloquaient, littéralement. J’avais beaucoup de mal à prendre les transports pour aller au travail. Par exemple, pour un trajet, en transport, entre chez moi et mon lieu de travail, j’en ai pour plus d’une heure. Je me sentais complètement incapable de le faire. Cela m’a valu beaucoup de jours d’absence, en cours comme sur mon lieu d’alternance. »

Après quelques années de réflexion et beaucoup de lectures, Louise a voulu changer la façon dont les ménorragies influaient sur sa vie professionnelle. « J’ai commencé à mettre beaucoup de choses en place. J’utilise toujours une double protection. J’en ai testé plusieurs : tampons et culotte de règles, serviette et tampon, tampon et culottes de règles… Pour le moment, je reste sur cup et culotte de règles, cela me semble être le ‘’combo’’ le plus efficace pour moi. Quand je suis dans ma mauvaise semaine, je prends toujours un change de sous-vêtements voire de pantalons avec moi. J’ai toujours très peur d’avoir une fuite. Dans les tiroirs de mon bureau, j’ai préparé un kit de règles. Et si je dois partir sur le terrain, je le prends avec moi. Bien sûr, ça ne règle pas le problème principal, mais c’est avec ces petites techniques que j’arrive à me rendre où je le dois, même avec de gros saignements ».

Congés menstruels : une solution gouvernementale à l’étude

Certaines entreprises ont, depuis quelques temps, pris le parti d’offrir à leurs collaboratrices le choix de prendre un congé menstruel en cas de règles abondantes ou particulièrement douloureuses. Ce n’est pas encore le cas de toutes et ce ne semble pas encore être une priorité pour le gouvernement. En effet, en janvier dernier, la proposition de loi pour accorder aux femmes des congés pendant leur période menstruelle a été rejetée.

Pour Laudine, « le congé menstruel peut être une idée. Mais je sais qu’au Japon où ce congé existe, les femmes n’osent pas le prendre. Elles ne veulent pas exposer leur cycle menstruel aux yeux de l’entreprise. C’est quelque chose de personnel. Une femme qui va prendre ce congé risque d’être moins bien vue qu’une femme qui ne le prendra pas car elle n’en a pas besoin. Le mieux serait de reconnaître que certaines femmes sont exposées à ce problème et comment les accompagner, les insérer professionnellement, en adaptant les horaires, etc. Le télétravail pourrait également être une bonne solution et un bon compromis quand cela est possible. »

Quelques pistes de réflexion en place pour, dans un futur proche, espérer pouvoir concilier au mieux ménorragies et travail.

Laudine et Louise ne sont pas les seules qui souffrent de règles abondantes et qui ont du mal à gérer leur vie professionnelle avec ce fardeau. Les ménorragies n’impactent pas seulement la vie professionnelle mais bien au-delà de ça : sexualité, vie sociale, vie de famille… Pour tout savoir sur les règles abondantes et comment mieux les vivre, veuillez consulter les articles sur notre site.

 

Merci à Laudine et à Louise pour leur temps et leur témoignage.

 

Rédaction par : Florine Cauchie

  1. Royal College of Obstetricians and Gynaecologists. National heavy menstrual bleeding audit. First annual report. May 2011